[Interview] L’aéroport de Sihanoukville prend son envol grâce au BIM d’EMENDA en collaboration avec VINCI Construction Grands Projets

Le BIM, vecteur de compétitivité pour les PMEs françaises à l’international

Evènement exceptionnel, nous recevons cette semaine Ildud Peron, Directeur Associé du Bureau d’Etudes EMENDA/EGPI qui grâce au BIM et à des compétences métiers au sein de son BET a réussi un véritable tour de force en travaillant sur l’intéressant projet de l’aéroport de Sihanoukville dont le maître d’ouvrage est Cambodia Airports et l’entreprise VINCI Construction Grands Projets.

Le BIM est donc définitivement le trait d’union entre PMEs et Grandes Entreprises et Maîtres d’Ouvrage.

« L’utilisation et l’expertise BIM déployées par Emenda pour le projet d’aéroport de Sihanoukville ont été incroyables. »

Bonjour, pourriez-vous s’il vous plait vous présenter en quelques mots pour nos lecteurs ?

Bonjour, je m’appelle Ildud Peron et j’ai 18 années d’expertise dans le domaine de l’ingénierie du bâtiment. Je suis directeur associé d’EMENDA et suis notamment garant de la qualité de nos études techniques.

Quelles sont les activités de votre BET, quand a-t-il été fondé et comment êtes-vous organisés ?

Emenda est un BET fluides, environnement et thermique et une société de conseil en efficacité énergétique, qui réalise principalement des missions de maîtrise d’œuvre et d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans le domaine du bâtiment.

La société a été fondée en 2012 pour agir dans le secteur de la rénovation énergétique et s’est depuis diversifiée pour apporter une expertise technique dans la construction neuve et la rénovation des bâtiments avec des solutions énergétiques et industrielles.

Vous travailliez en CAO classique auparavant. Le BIM vous a-t-il été imposé par la maîtrise d’ouvrage de l’aéroport ou est-ce votre passage au BIM qui vous a permis d’accéder à ce projet ?

Nous avons déployé la CAO 3D et le BIM (avec l’utilisation d’Autodesk Revit) dès 2017 sur l’ensemble de nos projets. L’utilisation du BIM a été ensuite généralisée dès l’année 2018 à la faveur de missions de conception-réalisation, tout en continuant de réaliser de plus petits projets en CAO 3D.

Le choix du BIM pour le projet est un choix de Cambodia Airports, porté par le constructeur et son équipe de maîtrise d’œuvre.

Pourriez-vous svp nous parler de cet aéroport, de ses spécificités, de sa création ? Est-ce un nouveau projet ou une extension ? Qui en sont les acteurs clés (maître d’ouvrage, architecte, entreprises, etc.) ?

Nous avons donc réalisé la conception thermique et fluides du nouveau terminal passager de l’aéroport de Sihanoukville, la ville portuaire et balnéaire du Cambodge.

Ce projet de 40 000 m2 est constitué du terminal passager mais aussi d’un bâtiment technique – Le « CUB » – qui permet de centraliser toutes les fonctions vitales du site, depuis la production d’énergie électrique secourue alimentant une boucle moyenne tension sur le site, la production d’eau glacée ou les systèmes de défense contre l’incendie.

Tous les réseaux sont dessinés et dimensionnés, intégrés dans une maquette générale dont la finalité a été de d’assurer une conception maîtrisée entre les différents lots, en particulier fluides, gros œuvre et structure.

Cambodia Airports, une joint-venture entre VINCI Airports et Muhibbah Masteron CO Ltd. en est le maître d’ouvrage. Le constructeur – VINCI Construction Grands Projets – s’est entouré d’une maîtrise d’œuvre internationale d’une vingtaine de consultants.

Pourquoi a-t-il été décidé de le concevoir en BIM ? Était-ce imposé et était-ce pour des raisons particulières comme par exemple sa future gestion et maintenance ou simplement pour une meilleure conception et construction ?

L’intérêt du BIM a été évident pour la maîtrise d’ouvrage avec l’utilisation notamment d’Autodesk Navisworks. Dès la phase intermédiaire du « Detailed Design », les opérationnels ont pu naviguer virtuellement dans les deux bâtiments pour évaluer l’adéquation de la solution à leurs besoins.

Le processus collaboratif BIM 360 a aussi permis de faire travailler en parallèle un grand nombre d’intervenants afin de minimiser les délais d’études.

Quels étaient les bénéfices attendus ?

Ce type de conception BIM permet de s’assurer d’une bonne conception, partagée en temps réel entre tous les intervenants de la conception. Les outils associés comme les détections de conflits (clashes) ont été très utiles pour trouver des solutions et anticiper les problématiques de chantier.

Enfin, la conception 3D associée aux données embarqués dans les objets numériques est un outil très efficace pour préparer les futures opérations d’exploitation et de maintenance en permettant des visites virtuelles en cours de conception. Le dialogue avec les équipes chargées de l’exploitation a été de ce point de vue très bénéfique, un dialogue de qualité rendu possible grâce à la puissance des outils numériques utilisés.

Comment Emenda a été choisie et pourquoi ?

Le projet étant principalement soumis aux normes françaises et à réaliser entièrement sous forme de maquettes BIM, le choix s’est porté sur une structure française. Nous avions en plus de ces prérequis quelques références notables dans le cadre de projets de conception-réalisation, ainsi que des références spécifiques dans la réalisation de terminaux aéroportuaires ou d’autres bâtiments publics de grandes dimensions.

Enfin, il fallait proposer un large éventail de compétences que nous pouvions proposer rapidement comme les compétences environnementales, la connaissance des normes de sécurité incendie française et américaine, les capacités de calcul pour les installations moyenne et basse tension.

C’était donc votre premier projet BIM ! Un aéroport pour un projet pilote de passage au BIM est un immense défi. Comment l’avez-vous appréhendé ? Etait-ce une décision d’entreprise voulue par la direction ?

Autodesk Revit était alors déjà utilisé par les projeteurs et chargés d’études Emenda. Néanmoins, nous n’avions pas encore mis en œuvre le I du BIM ! Par ailleurs, la collaboration très forte qu’implique le BIM via les modèles partagés fut une grande première pour nous. Il nous a fallu nous former au pied levé pour élever le niveau au standard – LOD 350 – fixé par le MOA et le Constructeur.

Comment vous êtes-vous organisés ? Quels ont été vos premières décisions, moyens et ressources mis en place ?

Le premier défi a été de former les équipes puisque la majorité d’entre elles n’avait pas encore réalisé de projet en BIM. Toute l’équipe du projet a donc suivi une formation d’un mois en BIM, juste après le premier confinement afin de permettre à chacun de cerner les enjeux du BIM, les contraintes associées et les moyens à mettre en œuvre.

Cela vous a-t-il obligé à réorganiser vos équipes ou à embaucher des personnes supplémentaires ?

L’ampleur du projet étant considérable pour la PME que nous sommes, une équipe dédiée au projet a été formée. Nous avons dû être agiles et embaucher des collaborateurs pour compléter notre « task force » puisque l’activité habituelle du bureau d’études continuait de mobiliser une grande partie des ressources.

Pourquoi votre choix s’est-il porté sur les solutions Autodesk ?

Nous travaillions déjà depuis quelques années avec Revit, le logiciel prévu dans la charte BIM. La dimension collaborative du BIM a été gérée depuis la plateforme BIM 360 d’Autodesk, et via le logiciel Navisworks. Ces solutions choisies par la maitrise d’ouvrage s’inscrivaient donc dans la continuité de notre démarche de conception 3D avec Revit.

Comment avez-vous été accompagnés pour ce passage de la CAO au BIM et y-a-t-il eu beaucoup de résistance ou alors un engouement général ?

Nous avons fait appel à Atlancad, un partenaire Autodesk local qui avait déjà formé une partie des équipes à l’utilisation de Revit et qui proposait aussi une formation BIM sur mesure. L’intégration d’un processus BIM sur un projet de cette ampleur était un vrai défi et chacun a pu voir l’opportunité d’acquérir des compétences dans ce domaine d’avenir. Il y a eu une réelle adhésion à la méthode, une fois la prise en main du processus BIM 360 acquise.

Quelles sont les spécificités techniques de ce projet (dimensions, système constructif, systèmes, IoT, etc.) et quel impact cela a-t-il sur la partie BIM ? Couvrez-vous toutes les disciplines BIM (Architecture, Structure et MEP) ?

Nous couvrons la partie MEP, l’architecture et la structure étaient gérées par une agence et un BET dédiés.

La taille du projet est une caractéristique importante, car elle induit de nombreux grands volumes (halls, salles d’embarquement, etc…) dont la conception est souvent spécifique en particulier pour les systèmes de traitement de l’air.

Techniquement, les systèmes de ce type de bâtiment se caractérisent par leur robustesse et leur sûreté avec une recherche de redondance pour les équipements sensibles. Les courants faibles dont certains sont particuliers à l’aéroportuaire et à l’aéronautique sont nombreux sur un terminal de ce type. Enfin, la facilité d’exploitation et de maintenance a été un facteur important de la conception, dans l’organisation de la technique.

Combien de maquettes BIM avez-vous, à quel LOD et quel en est la complexité ?

Nous avons réalisé 4 maquettes afin de fluidifier la collaboration interne et externe. La plus grande partie du projet (le bâtiment du terminal) est divisée en 3 maquettes, par discipline : Electricité (courants forts, courants faibles), Plomberie, HVAC (ventilation / climatisation). La 4ème maquette est celle du bâtiment technique (le CUB) alimentant le terminal, et regroupant toutes les disciplines MEP.

Les maquettes ont été réalisées en LOD 350.

En quoi le BIM facilite-t-il votre travail ?

La conception 3D est devenue primordiale dans notre métier, car devons coordonner tous les lots techniques dans des architectures de plus en plus spécifiques. Une vision 2D n’est plus suffisante pour concevoir des réseaux et des systèmes complexes.

Le BIM ajoute une dimension organisationnelle qui permet une collaboration plus aisée entre les différents intervenants. Chacun part d’un référentiel et de règles communes, ce qui permet aussi à tous de se comprendre, d’autant plus dans un projet comme celui de l’aéroport, réunissant des collaborateurs de nationalités diverses.

Comment se passe le travail entre le Cambodge et la France ?

Grâce aux outils comme Autodesk BIM 360, le travail collaboratif à distance est grandement facilité.

Deux référents d’Emenda se sont rendus sur place pendant le projet pour travailler avec les équipes locales et faire le lien entre le Cambodge et la France.

Quel mode collaboratif utilisez-vous ? BIM niveau 2 ou 3 ? avec quel type de plateforme collaborative ?

Le projet était en BIM de niveau 2. La collaboration était gérée via la plateforme Autodesk BIM 360.

Quels sont les logiciels principaux utilisés ?

Nous avons principalement utilisé Autodesk Revit, comme l’ensemble des intervenants du projet. Le modèle fédéré et la détection des conflits étaient réalisés via Autodesk Navisworks.

L’openBIM et le standard IFC sont-ils importants pour vous ?

L’openBIM permet d’avoir une vraie transparence sur un bâtiment construit ou en construction. Cela permet d’exploiter la maquette BIM tout au long du cycle de vie du bâtiment, de faciliter les opérations de maintenance ou de rénovation et d’avoir une vision réaliste du patrimoine. Les solutions Autodesk nous ont d’ailleurs bien aidé en ce sens.

Le fait d’utiliser le standard IFC permet également de garder une collaboration ouverte et adaptable à la plupart des logiciels.

Comment se passe la collaboration avec l’Architecte et l’Entreprise ?

Elle se fait d’une part via les outils numériques (Revit, BIM 360, Navisworks) et d’autre part en communication directe : soit par le référent présent sur place, soit par des échanges par e-mail, messagerie instantanée, appels ou en réunion.

Quels rôles sont présents pour gérer le BIM et sont-ils présents chez vous ? BIM Manager, Coordinateur, Modeleur ?

Le BIM Manager de l’opération était présent chez la Maitrise d’Ouvrage, il communiquait avec les différents intervenants (architecte, bureaux d’études, etc.) via les Référents BIM dans chaque entreprise. Nous avions une référente BIM chez Emenda gérant la partie du BIM interne à notre bureau (avec les Modeleurs), et la collaboration avec le BIM Manager et les autres Référents BIM des autres consultants

Quelles sont les bénéfices concrets et mesurés que vous apporte le BIM ? Avez-vous mesuré les économies faites (temps, qualité, précision, etc.) ?

Le BIM a permis un échange fluide des informations et des maquettes entre les différents intervenants. La détection de clashes a également permis de solutionner de nombreux points bloquants lors de la conception.

Les économies n’ont pas été mesurées précisément, mais il est indéniable qu’un grand gain de temps et de précision a été réalisé, au plus grand bénéfice du futur chantier et de l’exploitation.

Quelles sont les difficultés rencontrées ?

La nouveauté ! Il a fallu s’approprier la démarche BIM et l’appliquer rapidement à un projet d’ampleur.

Bien que l’échange de données ait permis un grand gain de temps, le respect strict d’une charte BIM entraine des tâches assez chronophages (nommage des familles, classification, etc.), qui étaient difficiles à concilier avec un planning de conception dense.

Allez-vous gérer le chantier en BIM ? Si oui, quels moyens seront mis en œuvre ?

Le chantier sera géré en BIM et la fourniture de la maquettes est un réel enjeu dans le cadre de la future exploitation.

Utilisez-vous des innovations telles que la RV/RA pour valider la conception ?

Non.

Diriez-vous que sans le BIM, vous n’auriez jamais pu faire un tel projet ?

Nous aurions réussi mais en beaucoup plus de temps puisque l’échange de données et la coordination auraient été beaucoup plus complexes et fastidieux.

Le Maître d’Ouvrage souhaite-t-il utiliser la maquette BIM pour la gestion et maintenance future ?

Oui, comme expliqué précédemment.

Ce grand défi du passage au BIM vous a-t-il amené à repenser les services de votre entreprise avec une plus grande diversification ?

Les compétences acquises sont avant tout un avantage pour l’équipe qui les mets déjà en œuvre sur d’autres projets.

Quels sont vos plans stratégiques d’évolutions technologiques pour votre société dans les années qui viennent ?

Nous venons de déménager dans de nouveaux locaux à Nantes. Nous les concevons comme le laboratoire nantais de la construction 4.0. Nous voulons y construire un cluster d’entreprises spécialisées dans la conception et la réalisation de bâtiment : architectes, bureaux d’études et startups innovantes… La porte est ouverte !

 Nous voulons y développer des meilleures technologies de la ConstrucTech comme le BIM ou la réalité augmentée qui sont des axes de développement clé de nos métiers.

Bravo et merci beaucoup pour cette présentation très intéressante !

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