Interview BIM Manager – Episode #37 Alexandre Saint-Martin de Bouygues Bâtiment Ile-de-France, fin, brillant et passionné praticien au sein d’un Groupe dont l’ADN rime avec innovation et transformation des métiers !

Nous continuons notre découverte passionnante des « Grands » du BTP en France et nous avons cette semaine la chance d’interviewer pour la première fois, un jeune BIM Manager talentueux du Groupe Bouygues Construction qui travaille sur des projets iconiques et de renom dont certains pour les jeux d’été de 2024, j’ai nommé Alexandre Saint-Martin, qui est aussi un jeune ingénieur de formation. Il a déjà à son actif de nombreux projets iconiques dont le Centre Aquatique et son Franchissement mais partons à la découverte de ce jeune génie du BIM dont le numérique coule dans les veines.

Bonjour Alexandre, et bienvenue sur ABCD Blog. C’est un honneur et un plaisir pour nous de recevoir pour la toute première fois, un BIM Manager de Bouygues Construction, plus particulièrement pour Bouygues Bâtiment Ile-de-France. Pourrais-tu stp te présenter en quelques mots ?

Bonjour Emmanuel et merci infiniment pour cette invitation. Je m’appelle Alexandre Saint-Martin, j’ai 33 ans et je suis BIM Manager depuis 8 ans chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France – Industrie et Equipements Publics.

Quels sont ta formation d’origine ainsi que ton parcours scolaire ? Quelle filière as-tu suivie ?

    Après le Bac, j’ai suivi une prépa scientifique PCSI-PC à Janson de Sailly à Paris. J’ai ensuite intégré l’ESTP (Ecole Spéciale des Travaux Publics) en filière Bâtiment, Spécialité Bâtiment International. La spécialité BIM n’existait pas encore, mais nul doute que je m’y serais précipité si cela avait été le cas… J’ai effectué plusieurs stages plutôt orientés travaux, avant de faire mon stage de fin d’études chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France, lié à l’utilisation de ce qu’on appelait autrefois la maquette numérique, à savoir le BIM.

    Comment le digital est-il entré dans ta vie ? Avais-tu notamment été sensibilisé par quelqu’un ou est-ce ton parcours universitaire qui t’y a plongé ?

      L’initiation est d’abord familiale, j’ai baigné dans le digital assez jeune. D’abord par mon père, qui a réalisé toute sa carrière chez Dassault Systèmes et qui nous parlait beaucoup de la puissance de la 3D.
      Mon frère aîné, réalisateur indépendant, a suivi une formation d’animation 3D et mon autre frère, qui travaille aujourd’hui chez Technip, a un métier très similaire au mien dans l’industrie.
      Dans mon cursus universitaire, j’ai également eu quelques initiations à des logiciels CAO ou BIM, mais je ne me suis pas immédiatement pris de passion pour le sujet. La formation architecturale était d’abord orientée dessin à la main, ce qui n’était pas pour me déplaire.

      Que retiens-tu des moments où tu as été sensibilisé à l’architecture ?

      A mon arrivée à l’ESTP, j’ai pu – pendant un temps – intégrer le double cursus Ingénieur/Architecte. Cela me permettait d’associer une formation plus créative et artistique aux disciplines scientifiques. Je trouvais l’idée d’apprendre à créer et dessiner de l’architecture, des perspectives ou créer des maquettes (physiques) particulièrement enthousiasmante. Au bout d’un an, je me suis recentré sur la formation d’Ingénieur uniquement, le rythme de ce double-cursus étant un peu trop soutenu pour moi. Mais j’ai gardé une base d’histoire de l’architecture, et une admiration pour le métier d’architecte et l’inventivité qu’il requiert.

        A l’ESTP, tu nous as notamment parlé d’un projet qui a marqué un tournant pour toi. Pourrais-tu stp nous en parler ?

        Je dirais même qu’il y en a eu deux.
        Tout d’abord un cours de découverte sur le BIM, pour expliquer cette notion un peu vague dont nous entendions de plus en plus parler. Nous avons eu une intervention de l’équipe qui a œuvré sur le chantier de La Fondation Louis Vuitton, afin de nous présenter des cas d’usages BIM. J’ai le souvenir d’avoir été scotché par l’efficacité des différents outils et leur utilisation de la maquette, notamment pour les analyses d’efforts au vent.

        Ensuite, j’ai eu l’occasion de m’essayer à un logiciel BIM lors d’un projet de construction métallique, sur les conseils de notre professeur. Dans mon groupe de projet, je m’occupais de la modélisation, nettement plus attirant à mes yeux que les calculs de dimensionnement. J’ai trouvé cela intuitif et très puissant, et cela m’a donné l’envie de chercher un stage de fin d’études dans ce domaine.

        Où as-tu fait tes premières armes professionnelles ? Tu nous as parlé d’un stage qui a été révélateur pour toi.

        J’ai trouvé un stage de fin d’études chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France, dans mon entité actuelle, en tant qu’« Ingénieur BIM Management ». Mon rôle était de faciliter la mise en place du BIM pour les études de prix en gros-œuvre. Cela passait par la rédaction d’une charte de modélisation, la production de maquettes structure en appel d’offres pour optimiser l’exploitation des métrés, et une grande quantité de tests. On m’a laissé une certaine liberté pour explorer les possibilités d’usage des maquettes BIM. A la suite de ce stage, j’ai été embauché dans un contexte plutôt porteur : une ambition du groupe Bouygues Construction de rapidement déployer le BIM dans ses équipes, avant que la demande ne devienne quasi-systématique dans les marchés publics.

        Avec quels logiciels BIM as-tu fait tes premiers pas ? Qu’est-ce qui t’a plu et semblé important par rapport à ton métier ?

        En école, j’ai découvert Tekla Structures. J’avais déjà réalisé un projet sur Google SketchUp, mais là, plutôt que de la modélisation par extrusion, on s’approchait de la construction virtuelle faite de poteaux, de poutres, de profilés, d’assemblage par soudure ou par boulonnage… tout devenait très concret !
        Je me suis vraiment formé au BIM sur Autodesk Revit, en commençant à modéliser du gros-œuvre et des maquettes architecturales pour les études de prix. J’ai vraiment découvert le « i » de BIM, notamment avec le besoin de plan de repérage et d’extraction de données que l’on retrouvait aussi bien chez les études de prix, la structure, les méthodes, ou les achats. Ce logiciel est un incontournable pour un BIM Manager – en tout cas en Ile-de-France, car la majorité des bureaux d’études structures et techniques, et une grande partie des agences d’architecture l’utilisent. Le maîtriser permet d’anticiper les écueils les plus courants, voire d’améliorer la productivité des études. Dans notre équipe, nous essayons de nous former régulièrement à des logiciels d’éditeurs différents, afin d’être de meilleur conseil pour nos partenaires et sous-traitants.

        Plus tard, j’ai également été formé à Autodesk Navisworks et Solibri pour la coordination BIM, l’analyse des modèles et les revues de clash. Bien que nous n’ayons pas de mission de synthèse, certaines revues de clashs ciblées permettent de détecter des problèmes qui passent sous le radar de la synthèse technique. C’est un vrai travail de collaboration avec les équipes travaux, qui nous demandent souvent de relancer une analyse en préparation d’une réunion d’études.

        Quelles ont été tes expériences avant le poste que tu occupes actuellement et qu’est-ce qui t’a marqué ?

        Avant mon stage de fin d’études, j’ai exclusivement suivi des stages sur le chantier dans différentes entreprises : du génie civil à Marseille, du suivi de corps d’état dans un bâtiment de logements à Cachan, et de la rénovation lourde d’un site industriel à Rueil-Malmaison. J’ai trouvé cela passionnant, très enrichissant humainement et complémentaire de mes études. C’est une vraie fierté de participer à l’édification d’un bâtiment et à le voir traverser les années ensuite ! J’ai beaucoup aimé le chantier, mais finalement je me sentais plus utile en amont de l’exécution, en phase d’études.

        Des personnes ont-elles été clés pour toi dans ta carrière et ton parcours ? Et pour quelles raisons ?

        J’ai été formé au métier par deux personnes, Francesco Remolo et Joël Dorent, alors chez  Bouygues Ile-de-France, que je salue. A la fin de mon stage de fin d’études, j’ai évoqué avec Francesco le souhait de commencer ma carrière par de la conduite de travaux, ayant l’impression que c’était un passage obligé pour la suite. Le BIM avait une part d’inconnu, certes en vogue mais sans plan de carrière déjà tracé.  Il m’a convaincu de foncer et de sauter sur l’occasion de poursuivre une voie nouvelle dans un grand groupe.
        Joël m’a quant à lui apporté son savoir-faire issu de l’automobile et donné le goût de l’innovation, de la mesure de la performance mais aussi de la débrouille.

        Je dois aussi beaucoup à mon service chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France, créé et structuré par Jean-Philippe Wittmer, et désormais piloté par Gilles Verschae. J’ai la chance de travailler dans une atmosphère bienveillante et stimulante, où l’on se fait progresser les uns les autres au gré de nos découvertes.

        Pourrais-tu maintenant nous parler en quelques mots de ton poste et nous présenter Bouygues Bâtiment Ile-de-France et son organisation ?

          J’occupe le poste de BIM Manager au sein du service BIM de Bouygues Bâtiment Ile-de-France – Industrie et Équipements Publics, une entité de Bouygues Bâtiment Ile-de-France.

          Mon équipe est composée d’une demi-douzaine de BIM Managers et de Coordinateurs BIM. Nous intervenons de la phase d’appel d’offres jusqu’à la fin de l’exécution pour réaliser les missions de BIM Management ; nous assurons aussi des formations et la mise au point et le déploiement d’usages BIM au sein de notre entité.

          Pour revenir sur l’organisation plus générale, Bouygues Construction est un groupe de plus de 30 000 collaborateurs présents dans plus de 60 pays, dont Bouygues Bâtiment Ile-de-France est filiale avec environ 3600 collaborateurs. Les entités d’Ile-de-France fonctionnent par typologie d’ouvrages et de clients : l’habitat d’un côté (Habitat Social, Habitat Résidentiel), les ouvrages fonctionnels de l’autre (Industrie et Equipements Publics, Rénovation Privée, Construction Privée).
          Mon entité est quant à elle composée de 900 collaborateurs environ, dont 130 dans la direction de l’ingénierie et des achats. Notre entité se positionne aussi bien sur les équipements scolaires, de transports, sportifs ou de spectacles, des bâtiments pour des ministères d’Etat ou encore des bâtiments industriels… La plupart des projets publics nécessitent la présence d’un BIM Manager. Par ailleurs, nous ne manquons pas de projets en ce moment !

          Dans la mesure du possible, nous essayons de garder le même BIM Manager de la conception à l’exécution (dans le cadre des marchés en Conception-Réalisation). Sauf rares exceptions, le BIM Management est géré en interne.  

          La stratégie BIM y est-elle centralisée et en êtes-vous le centre nerveux ?

          La stratégie BIM de mon entité s’inscrit dans le plan stratégique du Groupe. Pour autant, nous gardons une grande liberté de nos axes de développement car nos actions sont très liées à nos marchés et aux attentes de nos clients.

          La stratégie de déploiement du BIM est donc initialement impulsée par Bouygues Construction, avec pour ambition de promouvoir la méthode et d’accompagner toutes les structures de l’entreprise dans son déploiement. Plus globalement, nous travaillons à la digitalisation de nos activités, en particulier avec la Plateforme de Management Numérique de Projet (PMNP) développée avec un autre éditeur logiciel, et les projets de modernisation métiers.

            Tous les BIM Managers et Coordinateurs BIM de l’entreprise sont également fédérés dans une communauté métier dynamique, qui a à cœur de partager les bonnes pratiques et retours d’expérience. C’est vraiment appréciable et stimulant de pouvoir compter sur cette communauté, au sein de laquelle de nombreuses initiatives et innovations sont portées en commun.

            Quel est ton rôle précis et en quoi consiste ton travail au quotidien ?

            De manière générale, je suis garant de la bonne application de la Convention BIM, et je m’assure de la mise en application des cas d’usages définis au démarrage du projet.

            Cela implique :

              • la rédaction de la convention BIM et/ou du Plan d’Exécution BIM
              • l’aide au choix d’objectifs BIM et de cas d’usages BIM adaptés au projet donné
              • la mise en place de plans et d’outils de contrôle pour garantir la bonne tenue des maquettes au cours des études
              • la compilation des maquettes, première étape du plan de contrôle et outil indispensable aux équipes de conception et de construction
              • une réflexion sur la “livraison du dernier kilomètre” de ces cas d’usages, ou le fait de s’assurer que le processus mis en place fonctionne jusqu’à l’utilisateur final
              • la formation, et l’animation de points avec nos “ambassadeurs BIM”, relais BIM choisis parmi les équipes travaux.

              Comment interagis-tu avec tes collègues en local et au niveau national ? Avez-vous des séances de travail régulières ?

              Nous échangeons par des canaux Microsoft Teams, soit pour partager des bonnes pratiques, soit pour demander de l’aide sur un sujet précis. Le réseau des 150 spécialistes BIM de Bouygues Construction est très dynamique et nous permet de monter en compétences constamment. Nous avons régulièrement des groupes de travail, dont un que je vais co-piloter sur l’harmonisation des processus et outils de contrôles BIM.
              Au sein de mon service, nous sommes souvent en dehors du siège, sur les chantiers, ou en télétravail, on se croise… Aussi, nous maintenons un contact proche par une réunion de service hebdomadaire en présentiel, indispensable à notre ambiance et cohésion d’équipe. 

              Quels sont les 3 ou 4 projets dont tu es le plus fier et pour quelles raisons ?

              Mon premier projet était « Le Nouveau Longchamp » (Dominique Perrault Architecture), le chantier de construction de la nouvelle tribune de l’hippodrome de Paris Longchamp. J’étais tout jeune BIM Manager en exécution, ce qui n’était pas courant en 2016 (le BIM Management étant surtout en phase Conception). Ce projet n’avait pas été conçu en BIM de prime abord, et c’est sous l’impulsion de Bouygues Bâtiment Ile-de-France que le DCE a été numérisé. Présent un jour sur deux sur le chantier, je sondais les besoins des équipes travaux et testais des cas d’usages spécifiques au chantier, comme la cabine BIM (qui permet de faire des points autour de la maquette sur le chantier).

              Image 3D du nouveau Longchamp © DominiquePerraultArchitecture
              Chantier du Nouveau Longchamp, 2017 – © Yves Chanoit © DominiquePerraultArchitecture
              La K-BIM, cabine BIM de chantier © Yves Chanoit © DominiquePerraultArchitecture
              Ferraillage 3D – © Bouygues Travaux Publics

              Je citerai ensuite le projet d’Aéroports de Paris  : la rénovation du terminal 2B-2D, et la construction du bâtiment de liaison entre les terminaux B et D. Ce projet, BIM d’Or 2021, a été l’occasion pour nous de produire notre premier DOE BIM contractuel, avec un cahier des charges plutôt ambitieux !

              Enfin je suis très fier de deux projets encore en exécution :

              Le Centre d’Exploitation Aulnay, pour le compte de la Société du Grand Paris (SGP), où je suis coordinateur BIM du marché Tous Corps d’Etat. Ce projet a été récompensé à deux reprises, par un BIM d’Argent 2022 (catégorie Projet neuf >30 000m²) et par un BIM Booster de la SGP (catégorie Contrôle). Les grands projets nous font poussent à franchir des étapes ; ici, les dimensions de l’ouvrage (pour notre marché, 150 maquettes BIM et 700 000 objets BIM) et les ambitions du DOE numérique (30 paramètres, scan du projet tel que construit à l’avancement) imposaient de progresser dans l’automatisation de nombreuses tâches de contrôles, et de proposer sur différentes technologies.

              Et bien sûr, le Centre Aquatique et son franchissement, dont vous avez parlé sur votre blog.
              Au-delà de l’importance de l’événement pour lequel il est construit, j’y suis particulièrement attaché pour l’avoir suivi dès la phase d’appel d’offres en 2019, puis en conception et désormais en exécution. C’est très enrichissant de pouvoir travailler main dans la main avec des architectes, les maîtrises d’œuvres, les équipes travaux, les sous-traitants et les mainteneurs. On apprend énormément au contact d’experts, et beaucoup de nos pratiques BIM ont évolué grâce à ce type de projet.

              © Ateliers2/3/4/ © VenhoevenCS

              Images du chantier du Centre Aquatique et de son franchissement :

              © Nicolas Grosmond © Ateliers2/3/4/ © VenhoevenCS
              © Ateliers2/3/4/ © VenhoevenCS
              © Ateliers2/3/4/ © VenhoevenCS
              Centre aquatique et son franchissement – © Nicolas Grosmond © Ateliers2/3/4/ © VenhoevenCS

              Tu travailles sur des projets emblématiques tels que le Centre Aquatique et son franchissement ou le Centre d’Exploitation pour le Grand Paris Express à Aulnay. Ressens-tu une responsabilité plus importante étant donné leur importance ?

              Ces grands projets imposent une grande rigueur dans notre travail. Ils ont en commun une charte BIM ambitieuse, avec un DOE BIM riche, orienté vers l’exploitation du bâtiment. Nous devons être capables de garantir une production de livrables sereine et fiable, et une information juste, en exécution et au DOE. La réussite de ces projets tient d’abord à la maturité BIM des acteurs qui y travaillent, qui voient le BIM comme un outil et non une contrainte. Disons que notre travail est encore plus scruté, mais qu’on est entouré des meilleurs.

              Qu’est-ce que le BIM d’Argent a changé dans ta vie ? Un regard différent ? Un accomplissement ?

              Le BIM d’Argent pour le Centre d’Exploitation Aulnay donne vraiment une grande visibilité et nous permet de faire connaître le projet et le formidable savoir-faire qui y est déployé – et pas seulement en BIM. Nous sommes parfois très focalisés sur le fait de trouver des solutions, d’innover, et cela fait du bien de se retourner et de voir le travail accompli. Les récompenses ont cette vertu de parler à tout le monde, et de rendre compte du caractère exceptionnel de certains projets.

                J’accueille le prix avec humilité, car la dimension du projet, son allure, et la bonne tenue du chantier ont forcément participé à rendre le projet visible et attractif aux yeux du jury.

                Un prix en appelle un autre, et nous avons reçu une seconde récompense, remise par la SGP lors de la première édition de ses BIM Boosters, dans la catégorie “Contrôle”. Celle-ci a une saveur particulière car elle nous est donnée par un de nos clients. Le Grand Paris Express a déployé une énergie formidable pour que ses projets soient des modèles d’innovation, et le BIM a une place prépondérante dans leurs attentes, avec la volonté que cela serve réellement à la construction. C’est un vrai moteur pour notre industrie, car les différents acteurs se retrouvent de projet en projet, et les retours d’expérience sont particulièrement enrichissants.

                © Société du Grand Paris / Leticia Pontual

                1ère édition des Trophées BIM Boosters organisés par la SGP – Lauréat de la Catégorie  Contrôle :

                Trophées BIM Boosters – Catégorie 4 : Contrôles
                Soirée de l’Excellence Française organisée par Autodesk

                Quels sont les aspects les plus complexes et délicats de ton travail ?

                Notre rôle est de faciliter la conception et la construction d’un projet par l’utilisation du BIM.

                Nous essayons donc d’aider les acteurs du projet, de leur proposer des solutions techniques, de les orienter, et d’accompagner ceux qui débutent encore dans l’utilisation des maquettes.

                On peut alors tomber sur deux écueils : d’une part, risquer de sortir de notre métier, en sur-accompagnant des entreprises (nous n’avons pas vocation à les former à la production des maquettes). D’autre part, en perturbant leurs règles de travail, ou en imposant des règles inutilement strictes. Au démarrage du projet, nous définissons les règles de coordination avec les coordinateurs BIM. Nous restons ouverts aux propositions et aux améliorations de processus, tant que l’essentiel des exigences est garanti.

                  En tant qu’expert du BIM et du numérique, n’y-a-t-il pas un regard méfiant et dur du chantier ou êtes-vous considérés comme des partenaires incontournables par vos collègues ?

                  Plus du tout ! Je rencontre majoritairement des collaborateurs enthousiastes à l’idée de suivre un projet « full BIM », avec la garantie qu’au quotidien, ils auront ce formidable outil à disposition. Je dis « plus du tout », car il pouvait arriver de rencontrer des craintes sur le fait que le BIM puisse être au mieux un ballon de baudruche prêt à se dégonfler, au pire une usine à gaz et un gouffre financier. La réalité semble avoir balayé ces craintes. Bien que je ne sois qu’un relais de la production des maquettes, c’est très gratifiant de constater que les conducteurs de travaux l’utilisent tous les jours, lors des points avec les sous-traitants, des points d’équipe, pour visualiser des points complexes du projet… Dernièrement, un collaborateur me disait qu’il utilisait le viewer pour faire des phasages dans les locaux techniques, simplement en masquant les objets ou en les coloriant. 

                    Et vis-à-vis des intervenants externes, le rôle du BIM Manager n’est-il pas difficile ?

                    Au démarrage des projets, j’essaie de rassurer sur notre mode fonctionnement. Dans les bureaux d’études d’exécution, l’opposition la plus fréquente est liée au fait que la transition vers le BIM n’est pas encore achevée, et que chaque demande supplémentaire semble être une montagne. Généralement, une bonne démonstration ou un tutoriel suffit à rassurer tout le monde.

                      Quels sont tes outils du quotidien ? Modélises-tu encore ?

                      Microsoft Excel ! Cela fait plusieurs années qu’on entendait dire que les BIM Managers deviendraient petit à petit des data managers, cela se ressent dans notre utilisation accrue d’Excel, Power Query, ou Power BI.

                        Pour ce qui est des logiciels métiers, nous avons pris une orientation en accord avec notre écosystème : à la fois openBIM et avec une dominance forte d’Autodesk Revit. On doit être capables d’auditer plusieurs centaines de maquettes, rapidement, en IFC et en Revit.

                        J’utilise donc beaucoup un logiciel de contrôle de maquettes concurrent de Navisworks, pour le contrôle des IFC – le format d’échange de référence. Je travaille aussi beaucoup sur Autodesk Revit, mais la modélisation que je pratique se limite à des vérifications et des tests, mon objectif étant essentiellement de contrôler les modèles métiers, de m’assurer des bonnes pratiques de coordination, et de tester les procédures que nous décrivons ensuite dans la Convention BIM.

                        Je fais en sorte de rester au contact des méthodes de modélisation et des évolutions du logiciel car nous devons rester de bon conseil auprès de nos partenaires.

                        La collaboration distante en BIM constitue-t-elle un enjeu pour vous ? Notamment le BIM niveau 3… et l’utilisez-vous souvent ?

                        Bien sûr. Nous avons été confrontés à un vrai besoin de fluidité au début de la crise du COVID, et des périodes de confinements qui s’en sont suivies. Nous démarrions de grands projets, faisant intervenir des acteurs de différents pays et nous ne pouvions ni les rassembler physiquement, ni reposer sur des systèmes de serveurs traditionnels, jugés trop lents. La solution, poussée par les architectes, a été la plateforme BIM 360 d’Autodesk.

                        On retrouve la production en mode collaboratif chez des nombreux bureaux d’études et d’architectes. L’utilisation de BIM Collaborate Pro par exemple est de plus en plus répandue parmi les utilisateurs de Revit.

                          Nous n’avons pas de production propre au sein de notre service mais nous avons conscience de la puissance de ce mode de collaboration. Nous sommes d’ailleurs en train de le mettre en place sur le projet de l’extension du centre hospitalier d’Argenteuil, en collaboration avec l’architecte et les bureaux d’études, déjà utilisateurs de la plateforme Autodesk. Là aussi, l’impulsion vient d’abord de ceux qui produisent les modèles les plus lourds : les architectes et les lots techniques en première ligne.

                          Pour le BIM niveau 3,… et bien tout dépend de ce que l’on met derrière cette appellation. Disons qu’il y a du BIM niveau 3 au sein d’une discipline – plusieurs personnes qui travaillent en temps réel sur un modèle unique. Mais les méthodes de travail des bureaux d’études nécessitent une notion de version, de travailler avec un modèle vérifié, contrôlé et publié – même s’il reste un “work in progress”.
                          Nous faisons l’expérience d’une collaboration multidisciplinaire et en temps réel pour la gestion des espaces par exemple, où plusieurs acteurs peuvent renseigner les paramètres dédiés à leur discipline, au travers d’une plateforme liée à la maquette. Pour le reste, la technologie n’est pas encore prête à supporter un full BIM niveau 3 permettant de respecter les enjeux de responsabilité, de vérification interdisciplinaire…

                          En quoi selon toi, Bouygues Construction est différent des autres constructeurs ? Qu’est-ce qui fait votre force selon toi ?

                          Cela va paraître cliché, mais je m’y sens vraiment comme dans une grande famille, malgré la taille du Groupe. Et puis le Groupe a dans son ADN l’innovation et le besoin d’être moteur dans la transformation de notre métier. Pour le domaine plus particulier du BIM, il y a depuis le début la volonté que son déploiement soit aussi largement répandu que possible au sein des équipes, et en particulier sur les chantiers. On le voit dans l’acculturation des collaborateurs et dans la richesse des échanges que l’on peut avoir avec des métiers très différents. Certains conducteurs travaux nous disent qu’ils ne travaillent plus sans la maquette, et que c’est presque le premier fichier qu’ils ouvrent en démarrant la journée.

                            Penses-tu qu’il y ait encore beaucoup à faire en termes de BIM en France ou le marché est-il mûr ?

                            Le BIM est encore trop souvent sujet à interprétation, je trouve qu’on manque de documentation et de normalisation sur certains sujets. Il n’y a qu’à voir la multiplicité des façons de rédiger les LOD que l’on reçoit : ND, LOD, il y a parfois 3 façons de désigner la même réalité, ou 3 façons d’interpréter le même terme. Les cahiers de charges sont parfois en décalage avec ce qui se pratique réellement.

                              Le niveau d’exigence et les attentes varient beaucoup d’un client à l’autre, les classifications et codifications aussi. Si l’on s’intéresse aux avancées technologiques de demain, nous gardons en tête que la priorité est que les indispensables du BIM soient réellement déployés partout où ils sont utiles.

                              Comment te vois-tu dans 10 ans ? Toujours dans le monde du BIM ?

                              Ce domaine évolue si vite que c’est dur de se projeter aussi loin… L’évolution de la technique continue d’entretenir mon intérêt pour mon métier et la possibilité de transmettre et de coordonner de jeunes BIM Managers m’apporte beaucoup également. C’est un domaine avec tellement de ramification que je ne pense pas m’en lasser tout de suite.

                                Sur quelles innovations travaillez-vous pour le futur et notamment la data et les jumeaux numériques sont-ils importants pour vous ?

                                Au sein de notre service, nos efforts sont concentrés sur l’automatisation de nos process. Les outils de comparaisons de maquettes et de nuages de points, et l’utilisation de l’IA appliquée au Bâtiment (optimisation de la conception, reconnaissance de l’avancement du projet par analyse d’image, …) sont nos chantiers du moment.

                                Y-a-t-il quelque chose de particulier que tu aimerais dire à nos lectrices et lecteurs ?

                                J’aimerais les remercier de nous avoir lu jusqu’ici ! Et je voudrais encourager les plus jeunes à s’engager dans cette voie qui a encore de beaux jours devant elle.

                                  Quelles sont tes passions hors travail ?

                                  Je fais du graphisme depuis 15 ans, principalement pour faire des affiches et des logos. Je suis aussi amateur de sport d’endurance. J’ai commencé par la course à pied, et je suis fier d’avoir co-fondé avec des amis une association de l’ESTP encore bien vivante aujourd’hui, Run For Them, qui promeut la course à pied au bénéfice de la Fondation du Souffle. J’en profite pour leur faire de la publicité : https://www.linkedin.com/company/runforthem/about/

                                    Depuis, je me suis mis au triathlon avec une ancienne de l’asso et un ami architecte ! Notre dernière participation à une course remonte à 2019 avec le triathlon 70.3 de Vichy – c’était une expérience folle, tant par le dépassement de soi que par l’ambiance de fête. Mais ce n’est pas toujours facile de rester régulier dans l’entraînement !

                                    Alexandre, nous te remercions sincèrement pour ta présentation. Bravo pour ton parcours et ton implication forte dans le BIM. Nous te souhaitons de continuer sur la voie du succès.

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