Interview BIM Managers – Episode #7 Nermin Hadziomerovic, Architecte – BIM Manager, Aéroports de Paris

Dans la série des Interviews BIM Managers, nous avons la chance d’accueillir cette semaine l’un des pionniers du BIM en France qui travaille pour l’un des fleurons de la conception d’aéroports en France, la société ADP – Aéroports de Paris – nous avons nommé Nermin Hadziomerovic, un architecte et BIM Manager de grand talent et d’une maitrise des outils BIM exceptionnelle.

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Nermin Hadziomerovic

Architecte – BIM Manager

 

ADP – Aéroports de Paris

Direction Ingénierie et Aménagement – Département Support Ingénierie

www.adp.fr

 

Bonjour Nermin,

Enchanté de te recevoir sur ABCD Blog. Nous te suivons depuis longtemps chez ADP et admirons le travail de fond que tu réalises depuis de si nombreuses années. Merci de nous accorder de ton temps car c’était un rêve pour nous de pouvoir t’interviewer, notamment après avoir vu récemment le fabuleux projet “Jonction” sur lequel toi et les Equipes ADP avez travaillé..

Peux-tu d’abord rapidement nous parler de ton parcours professionnel et de ton arrivée chez ADP ?

En 1983 j’ai été diplôme Ingénieur en Architecture à la Faculté d'Architecture de Sarajevo. De 1984 à 1992, j’ai travaillé dans diverses agences et BET à Sarajevo. J'ai été ensuite en poste comme architecte principal dans le BET d'entreprise de construction "Standard", lorsque la guerre en Bosnie a éclaté au printemps 1992. Suite à mon arrivée en France, j'ai suivi un stage "Informatique et conception Architecturale" à l’Institut de Formation en Architecture et Aménagement de l’Espace pour la Région “ Ile de France ” (IFAM – IF) à Nanterre. Cette formation de 6 mois m'a permis d'obtenir plusieurs missions chez OTH, notamment sur les grands projets et chantiers comme le "Stade de France", l’Hôpital Européen Georges Pompidou dans le 15° ou encore le Grand Louvre et l’ "Aile de Flore" ainsi que la " Porte des Lions ". Mes compétences en informatique et mon expérience sur de grands projets m'ont ouvert les portes d'ADP au printemps 2000 où j’ai été engagé comme CAD Manager pour le projet du Satellite 3 (180.000 m²). Ensuite, j'ai poursuivi ce travail sur tous les projets d'importance d’ADP comme le Satellite 4 et la liaison AC. Depuis 2008, et notamment sur le projet de liaison AC, je mène des travaux relatifs aux problématiques de BIM à INA (Direction de l'Ingénierie et Architecture, aujourd'hui Direction de l'Ingénierie et Aménagement – DIA).

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Comment le BIM a-t-il fait son incursion chez ADP ? Et cela a-t-il été long et difficile ?

Entre 2007 et 2008, mon ancien Manager M. André Komorn s'intéressait beaucoup au BIM, et plus particulièrement à Revit. Il a engagé d’intenses efforts de sensibilisation auprès de la Direction de l'Ingénierie et Architecture et des discussions, réussissant à convaincre les responsables de lancer des tests Revit sur le projet de Liaison AC. Or, les préparations pour ce basculement technologique se sont avérées insuffisantes : matériel informatique non adapté, absence de méthodologies propres au travail collaboratif, inexpérience de nos consultants Revit sur les projets de cette taille (17 000 m²). Nous étions 6 à 7 architectes fraichement formés sur Revit avec des machines dotées de 1 à 2 Go de mémoire RAM, sans aucune méthode de travail sur une maquette numérique partagée. C'était assez frustrant. La phase esquisse a été achevée avec Revit, ensuite les études ont continués en CAO-DAO classique. La Direction a par la suite décidé de mettre en stand-by les essais de nouvelles technologies et pendant 4 longues années l'utilisation de Revit fut très sporadique et limitée à la production de présentations 3D simples.

Depuis 2013, nous sommes engagés sur la voie du BIM, mais cette transformation majeure a pris encore quelques années avant son aboutissement.

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© ADP, Aéroports de Paris – Terminal 2 Roissy

Comment le BIM a-t-il fait évoluer ton  rôle ?

Comme je le disais, j'ai commencé ma carrière à ADP en tant que CAD Manager. Au bout de 6 à 7 ans, j'ai commencé à m'interroger sur l'efficacité de nos outils et de nos méthodes. Est-il possible de continuer à faire de la conception de bâtiments de la même façon qu’il y a 15 ou 20 ans ? Faire des projets avec les mêmes outils et procédés, comme si le monde autour de nous n’avait pas changé ? Les réponses sont évidentes. Ainsi, depuis 2008, je n'ai cessé d’explorer le BIM sous toutes ses facettes : conception, modélisation, gestion, exploitation… Le potentiel et la complexité de ce processus rendent le rôle de spécialistes comme nous très important. Les réflexions sur l'implémentation et l’exploitation du BIM dans l'entreprise revêtent une importance stratégique, ainsi mon rôle évolue en permanence.

Quel a été le premier projet BIM sur lequel tu aies travaillé ? Je suppose que ce n’était pas encore du niveau 2 ?

Le projet de Liaison AC dont j'ai parlé auparavant était un projet important pour ADP. Le groupement et l'optimisation des postes de police aux airs et frontières (PAF) des terminaux A et C demandait une importante réorganisation des flux de passagers. De plus, plusieurs milliers de mètres carrés de commerces devaient être ajoutés, ainsi que les salons d'Air France et d’Air Emirates. Tout cela avec une façade entourée par des ceintures de brise-soleils ondulés à géométrie très complexe. Afin de réaliser ce projet avec Revit, nous avons engagé des architectes pour faire la modélisation des terminaux limitrophes A et C ainsi que le Module P. Cette modélisation a concerné surtout le clos-couvert. Les phases AP et PRO ont été réalisées en CAO 2D, mais en même temps j'ai continué à tenir à jour la maquette du bâtiment de liaison. Certains éléments de cette maquette sont bien en niveau 3, d'ailleurs l'étude de la géométrie des brise-soleils à été intégralement faite avec Revit. Tous les panneaux de la façade ont la même longueur, mais 12 radius d'ondulation différentes et chaque panneau est tangent par rapport au précédent. Si vous changez l'ondulation d'un panneau afin de garder ce principe, tous les panneaux qui suivent doivent changer. C'était assez sportif, mais Revit nous a permis un travail de précision avec un contrôle visuel d'aspects 3D en temps réel.

CDG Liaison AC axo ruban ouest

© ADP, Aéroports de Paris – Liaison Terminal A&C Roissy

Quelles ont été les grandes étapes et les grandes difficultés de cette transition ?  Combien de temps cela a-t-il pris ?

Je ne suis pas sûr que je puisse apporter les analyses générales de cette transition. Chaque BET et agence d'architecture est un cas spécifique avec des approches et des expériences parfois très différentes. Je sais par exemple que Jacques Lévy-Bencheton (BIM Manager de Brunet Saunier Architecture NDLR) a porté cette évolution très habilement chez Brunet Saunier Architecture, mais pour d’autres agences, cela fut un peu plus aléatoire.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Toutefois, il est incontestable que le premier pas consiste à sensibiliser les preneurs de décisions sur la nature et les perspectives du BIM. C'est en même temps la grande difficulté. Pendant des années, les architectes et les ingénieurs confondaient le BIM avec la 3D, il était difficile de leur faire comprendre que cela n'est pas l'aspect le plus important du BIM. Même aujourd'hui, il reste parfois difficile d’expliquer à certaines personnes que les informations autres que la géométrie présentent autant d'importance que la 3D. L'adhésion des "decision makers" est donc fondamentale, elle doit reposer sur une vision claire des coûts, de la durée de la transition du passage de la CAO au BIM et des bénéfices possibles qu’on pourrait en tirer. Lorsqu’une direction n'est pas persuadée de la pertinence de la démarche BIM, les premières difficultés, pourtant inévitables, risquent de stopper net cette transition.

Si cette première étape est franchie avec succès, arrive alors une période d'adaptation certaine. Un nouvel outil demande des formations, de nouvelles méthodes et même une nouvelle organisation. Ce sont ces changements importants qui poussent tous les acteurs de projet à se remettre en question. Ainsi, la résistance au changement accentue la complexité du passage à ce processus. En fonction de la taille de l’agence, cette évolution peut durer entre 2 et 5 ans.

Etiez-vous nombreux à travailler en BIM au début ?

La direction Ingénierie et Architecture d’ADP comptait à l'époque environ 450 employés. Nous avons commencé avec 3 ou 4 architectes, mais comme la première expérience n'était pas concluante, je suis resté seul.

CDG Liaison AC détail

© ADP, Aéroports de Paris

Avez-vous eu besoin d’aide et de support extérieur pour mettre en place votre stratégie BIM ?

Absolument ! Je ne pense pas que cela soit possible de faire autrement d’ailleurs. Il y eut une première contribution d'Oger International qui avait une excellente équipe de jeunes ingénieurs passionnés par le BIM. Je pense notamment à Louis-Marie Borione aujourd'hui BIM Manager chez Systra et Simon Moreau BIM Manager chez Ingerop. Ils nous ont aidés à monter la première méthodologie. Ensuite, SETEC TPI a fait une étude d'opportunité de mise en place du BIM à INA, ce qui fut l’impulsion décisive pour démarrer le processus. Sur le projet d'Orly Jonction, notre filiale ADPi a eu la mission de BIM Management, ce qui nous a permis de former un large nombre d'architectes et de projeteurs et de consolider ainsi les méthodes et de réaliser avec succès le premier grand projet en BIM.

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© ADP, Aéroports de Paris

Quelles sont les difficultés du rôle de BIM Manager ?

C'est un nouveau métier, les attentes sont très différentes et on y trouve tout et n'importe quoi suivant la demande. Le domaine d'intervention du BIM Manager est très large, de ce fait dans les années à venir, nous verrons une structuration des métiers comme c'est le cas dans les pays anglo-saxons qui gardent 5 à 6 ans d'avantage sur nous dans ce domaine. Le BIM Manager doit apporter des réponses claires et justes aux "decision-makers" sur les méthodes d'implantation du BIM, sur ses tenants et ses aboutissants. Il doit assister le maitre d'œuvre sur les questions d'organisation et de méthodes, élaborer les retro-plannings et définir les responsabilités de chacun. Enfin, il doit assister les utilisateurs, contrôler la conformité et la qualité de leur travail, régler de nombreuses difficultés au quotidien. Mais surtout, il doit assurer une veille technologique, une actualisation et une optimisation de ses méthodes en permanence. Il est évident que toutes ces missions ne peuvent être accomplies avec sérieux par un profil de BIM Manager "de base". En fonction des compétences et de l'expérience il peut y avoir des BIM Implementation Managers, des BIM Senior Managers, BIM Project Managers , des BIM Content Managers, BIM Coordonnateurs métiers etc. A la lumière de cette structuration, le BIM Manager se trouve aujourd'hui souvent au four et au moulin, ce qui n'est pas tenable dans les grandes structures comme la notre.

Chez ADP, faites-vous la distinction entre BIM pour le bâtiment et BIM pour les infrastructures ?

L'utilisation du BIM pour les infrastructures est encore en réflexion chez ADP. Les outils dans ce domaine sont encore récents, d'ailleurs à ma connaissance, ils ne sont pas nombreux. Comme pour le reste, il faudrait faire des tests et analyser les résultats. Evidement, nous sommes très attentifs à la conception, et la gestion et la maintenance d'infrastructure revêt une importance capitale pour ADP.

Peux-tu nous parler du projet « Jonction » d’Orly qui est magnifique ? Quelles en sont les données techniques ? Comment as-tu mis cela en place ?

Le projet « Orly Jonction » s'inscrit dans le projet global de modernisation de la plateforme Paris-Orly ciblant l'amélioration de la satisfaction client. Le bâtiment se situe entre les aérogares existantes Orly-Sud et Orly-Ouest. Le projet porte d'une part sur la réalisation du bâtiment de Jonction, avec une surface neuve de 76 000m². D'autre part, ce bâtiment sera connecté aux aérogares existantes Orly Ouest et Orly Sud, ce qui implique des travaux dans des espaces existants. L'ensemble représente un investissement de 300 M€. Le bâtiment de liaison a toutes les fonctionnalités d'un terminal placé dans un site très contraint.

Quelques chiffres :

  • 76 000 m2 de surfaces neuves
  • 3 000 m2 de surfaces réhabilitées (Hall 4 Orly Ouest et Hall B Orly Sud)
  • 250m de longueur – 120 m de profondeur – 18,50m de hauteur
  • 2 niveaux principaux (Départs et Arrivées) – 1 niveau partiel (débarquement –IFU et correspondance)
  • 1 sous-sol partiel connecté à la route de service Orly Ouest
  • 6 000m2 de Hall départ connecté à Orly Ouest
  • 38 banques d’enregistrement classiques et 16 DBA
  • 14 nouveaux PIF et 15 Aubettes DPAF (Départ et Arrivées)
  • 5 000 m2 de commerces avec place centrale de 1000 m2 et zones de restauration de 1 000 m2

Ce projet est réalisé en BIM depuis la phase APS. Dans le cadre de la démarche BIM et en anticipation du projet Orly Jonction, les terminaux existants ont été modélisés. Le projet regroupe trente-deux maquettes numériques.

Elles ont servi pour la réalisation des études suivantes :

  • architecture, structure, fluides, électricité BT, tri-bagages, environnement, signalétique et présynthèse

L'architecture et la conception ont été réalisées par INA, le BIM Management a été porté par ADPi et INA. Nous avions plaisir à travailler avec nos collègues d'ADPi, qui intègre des BIM managers et coordonnateurs de grande qualité : Fang Chao Gong, Christian Montagnac, Johnny Dabysing et les autres, mais surtout nous avions la grande chance et le privilège d'être conseillés et guidés par Julien Franco, un expert BIM hors pair.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Comme vous pouvez le constater, j'ai été tellement bien entouré que mes mérites restent modestes, d'autant plus que nous étions supportés et portés par l'enthousiasme de notre maitre d'oeuvre M. Philippe Gourcerol, et des principaux architectes Messieurs Alain Davy, Gilles Goix et Mme Julie Greguor, chef de pôle BIM chez ADPI.

CDG Liaison AC axo ruban ouest

© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Combien de temps a-t-il fallu pour le faire naitre et aboutir ? Combien de personnes ont travaillé dessus ?

La phase APS a commencé en juillet 2013, et le DCE en phase APD a été rendu au maitre d'ouvrage fin octobre 2014. Le dossier très détaillé pour un APD (certains détails à l'échelle 1/10) comptait 750 pièces graphiques, toutes générées à partir des modèles BIM, sans aucune post-production sous AutoCAD.

Les architectes ont été organisés en deux équipes, clos-couvert et second-œuvre, (nous avons découpé le modèle architecture pratiquement de la même manière), leur nombre a varié de 10 au début et 15 à la fin du projet. Dans les études techniques, nos équipes de projeteurs ont été renforcés par un recrutement extérieur, donc 2 projeteurs par lot. Au total, une petite quarantaine d'utilisateurs ont partagés une trentaine de maquettes.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Quels sont vos objectifs BIM chez ADP ? Aller jusqu’à une gestion de patrimoine ?

Le groupe ADP a l'ambition de devenir le leader mondial dans le domaine de conception, réalisation et exploitation d'aéroports. Chacun de ces domaines est en mutation profonde liée à l’avènement du BIM. L'ingénierie centrale d'ADP, la Direction d'ingénierie et de l’Aménagement est aujourd'hui résolument tournée vers ce processus dans les phases de conception, de quelques dizaines de milliers de mètres carrés modélisés en 2008 nous sommes passés aujourd'hui à plus de 1.200 000 m². Une grande partie de nos terminaux est modélisée, et ADP est en France le propriétaire et gestionnaire qui possède probablement la surface le plus importante de son patrimoine transformé en maquette numérique. Ces modèles ne sont pas, évidemment, tous au même niveau, ils ne sont pas structurés de la même façon, l'immense travail de standardisation de ce patrimoine est devant nous, mais la base est déjà excellente. En même temps, nous sommes les porteurs de réflexion sur le BIM Maintenance chez ADP. Actuellement, nous sommes en consultation avec nos unités opérationnelles sur le périmètre et les objectifs du BIM sur la partie de gestion et maintenance.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Comment collaborez-vous en interne entre tous les départements ? Etes-vous en niveau 3 ?

Nous avons la chance d'avoir un BET intégré. Tous les corps d'états y sont représentés, de l’architecture jusqu'aux courants faibles et à la signalétique en passant par le thermique, les fluides, l’infrastructure ou l’électromécanique. Cela facilite énormément la mise en place d’une méthodologie BIM commune, basée sur les expériences de travail communes depuis la décennie passée. Chaque métier modélise sa propre maquette numérique et le niveau de développement évolue en fonction d'objectifs définis dans chaque phase de projet. J'ai un peu du mal à accepter les LOD (ou ND), c'est une nomenclature trop vague qui ne dit rien de concret sur les informations à inclure dans une maquette. Je peux imaginer un litige sur le niveau d'un modèle, et comment prouver incontestablement qu’il a un ND3 et non pas un ND2 ? D'ailleurs j'ai lu récemment un blog où l'auteur expliquait bien que la maquette numérique de LOD 300 ou LOD 400 n'existait pas, beaucoup d'éléments peuvent être développés jusqu'à certain niveau mais ce niveau n'est jamais homogène pour des milliers d'éléments qui forment la maquette. Je pense qu'il est nécessaire d'élaborer la liste d'informations à fournir pour chaque catégorie d'éléments à chaque phase de projet, peu importe le nom du niveau.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Que penses-tu du travail du PTNB et ses objectifs de numérisation de la filière ? Cela mènera-t-il selon toi à une BIMisation des projets ?

C'est une excellente initiative, et j'en suis ravi évidement. Le BIM peut apporter les bénéfices à tous les acteurs dans le domaine du bâtiment, mais il exige des investissements importants et des évolutions notables des méthodes et organisations, ce qui rend les protagonistes circonspects. Les exemples des Etats-Unis, de Singapour, de Hong-Kong et du Royaume-Uni montrent que l'impulsion d'un état reste décisive pour développement et l’implantation du BIM au niveau national. Ensuite, il est important de sensibiliser les maitres d'ouvrage du secteur privé, nous avons vue que les universités et les hôpitaux aux Etats-Unis étaient les premiers à comprendre l'importance de ce processus pour la partie gestion de leur patrimoine. Le PTNB incite tous les acteurs à réfléchir sur leur stratégie de développent et c’est très bien.

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Avez-vous un protocole BIM sur lequel repose votre stratégie ?

Nous avons différents documents de méthode dont le protocole BIM qui nous sert à établir les objectifs et méthodes d'un projet. En ce qui concerne la stratégie c'est la Feuille de route du BIM qui est le document de référence. La Direction de DIA est justement en train d'en établir une pour la période 2016 – 2020.

Quelle solution logicielle a selon toi fait éclore le BIM en France et dans le Monde ?

Nous sommes depuis longues années partenaires d'Autodesk, c’est donc la solution logicielle qui s'impose pour nous en toute logique, d'autant plus que le benchmarking que nous avions mené en 2007 a montré une supériorité évidente de Revit par rapport ses concurrents. Ceci dit, je pense que 4 à 5 éditeurs leaders dans l'univers du BIM ont chacun leurs atouts, et ils montrent une vigueur remarquable et ils continueront de nous surprendre avec leurs réalisations extraordinaires.

Passez-vous par les échanges IFC ? Qu’en penses-tu et à quels besoins cela répond-il selon toi ?

Je n'ai pas eu beaucoup d'expérience avec le format IFC, donc je ne suis pas forcément bien placé pour juger de ses qualités. Ces quelques échanges que nous avons eus lors d'études d'Orly Jonction n'étaient pas tout à fait satisfaisants. Certains éléments de la maquette avaient disparu, et les autres étaient mal formés. Néanmoins je pense que ce format reste indispensable sur les grands projets, non seulement comme support d'échange, mais encore plus comme un des formats de DOE destiné à être réutilisé par les logiciels de gestion de patrimoine.

Quelles sont les qualités selon toi qu’un bon BIM Manager doit avoir ?

Toutes. 🙂

Le BIM Manager n'a pas de responsabilités comparables à celles d’un maitre d'œuvre, ou à celles d’un chargé d'affaire. Son rôle est surtout sur la coordination, la facilitation et l'assistance. Certes, il doit exercer une certaine autorité et dans l'intérêt du projetd’ imposer la méthode parfois contraignante, mais il ne faut jamais oublier qu'il est là surtout pour faciliter la création et l'échange. Il doit être la locomotive du changement, et donc avoir de fortes convictions et compétences, mais en même temps avoir de l'attention pour les "voyageurs". Souvent la pression pour arriver à l'heure repose sur lui seul, mais cela fait partie de son rôle et son métier et l’on s y habitue.

Echanges-tu beaucoup avec les autres BIM Managers d’entreprise afin de vous enrichir mutuellement ?

Il y a 6 ou 7 ans, j'avais l'impression de connaitre la plupart des BIM Managers de Paris. C'était un petit monde : Jacques Levy-Bencheton de Brunet Saunier Architecture, Franck Bricaud, Jean-Noël Burnod d'Ateliers 2/3/4, Morten Buskpetersen de RPBW, Alice Lepy de Valode et Pistre, ensuite Daniel Hurtubise qui a travaillé pour ADPi, aujourd'hui chez RPBW, puis Anis Naroura avec qui j'ai eu le plaisir de travailler et qui a fait des choses remarquables chez Setec TPI… Aujourd'hui cela explose, et il y a beaucoup de gens qui sont entrés dans le monde merveilleux du BIM, mais je n'ai pas eu l'occasions de tous les rencontrer. Dans un BET avec plus de 400 employés, il y a beaucoup de travail pour un BIM Manager, donc je n'arrive plus à suivre tout ce qui se passe à l’extérieur.

Penses-tu qu’il soit important de protéger la propriété intellectuelle et penses-tu que le BIM soit un frein à cela ?

Entre plusieurs dizaines de questions juridiques soulevées par le BIM, c'est certainement l'une des plus compliquées. La maquette est le produit de la création, et elle doit être forcement protégée comme c'est le cas pour chaque projet aujourd'hui. Or les éléments de cette maquette sont les éléments qui en règle générale n'ont pas de copyright, des éléments que nous ne pouvons protéger efficacement. Vous pouvez développer des objets à forte valeur ajoutée, hautement paramétrables, mais une fois dans la maquette vous ne contrôlez plus leur sort. Je ne vois pas l'issue de cette controverse.

Sur quel projet travailles-tu actuellement après le beau succès de Jonction ?

Nous sommes bien partis sur le BIM, et actuellement nous avons 4 projets emblématiques avec pour ambition de développer les maquettes numériques jusqu’aux phases DCE. Il s'agit du projet d'Orly Sud refonte du process départ International", "Gare Orly de ligne 14 du SGP", "Jonction des satellites Terminal 1" à CDG1 et "Liaison des terminaux B et D" à CDG2. Ces 4 projets font plus de 130.000 m², c'est un beau défi pour nous et pour ADPI qui nous accompagne sur ces projets.

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© ADP, Aéroports de Paris – Liaison Terminal A&C Roissy

Connais-tu ABCD Blog, qu’en penses-tu et que souhaiterais-tu y voir de plus ?

Oui, évidemment, je pense que tous les utilisateurs de Revit le connaissent. Mais pour être honnête, je ne suis pas le visiteur le plus régulier. Cela risque de changer, vu que mon nom y paraîtra ;-)  Plus sérieusement, je pense que c'est un bon site, on y trouve beaucoup de conseils et de solutions venant de vrais experts. Continuez bien, c'est ce que je vous souhaite sincèrement.

Nermin, nous te remercions pour cet exposé très instructif de la mise en place du BIM chez ADP. Nous te souhaitons de continuer à travailler sur de nombreux beaux projets BIM d’aéroports.

A bientôt.

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Interview BIM Managers – Episode #7 Nermin Hadziomerovic, Architecte – BIM Manager, Aéroports de Paris

Dans la série des Interviews BIM Managers, nous avons la chance d’accueillir cette semaine l’un des pionniers du BIM en France qui travaille pour l’un des fleurons de la conception d’aéroports en France, la société ADP – Aéroports de Paris – nous avons nommé Nermin Hadziomerovic, un architecte et BIM Manager de grand talent et d’une maitrise des outils BIM exceptionnelle.

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Nermin Hadziomerovic

Architecte – BIM Manager

 

ADP – Aéroports de Paris

Direction Ingénierie et Aménagement – Département Support Ingénierie

www.adp.fr

 

Bonjour Nermin,

Enchanté de te recevoir sur ABCD Blog. Nous te suivons depuis longtemps chez ADP et admirons le travail de fond que tu réalises depuis de si nombreuses années. Merci de nous accorder de ton temps car c’était un rêve pour nous de pouvoir t’interviewer, notamment après avoir vu récemment le fabuleux projet “Jonction” sur lequel toi et les Equipes ADP avez travaillé..

Peux-tu d’abord rapidement nous parler de ton parcours professionnel et de ton arrivée chez ADP ?

En 1983 j’ai été diplôme Ingénieur en Architecture à la Faculté d'Architecture de Sarajevo. De 1984 à 1992, j’ai travaillé dans diverses agences et BET à Sarajevo. J'ai été ensuite en poste comme architecte principal dans le BET d'entreprise de construction "Standard", lorsque la guerre en Bosnie a éclaté au printemps 1992. Suite à mon arrivée en France, j'ai suivi un stage "Informatique et conception Architecturale" à l’Institut de Formation en Architecture et Aménagement de l’Espace pour la Région “ Ile de France ” (IFAM – IF) à Nanterre. Cette formation de 6 mois m'a permis d'obtenir plusieurs missions chez OTH, notamment sur les grands projets et chantiers comme le "Stade de France", l’Hôpital Européen Georges Pompidou dans le 15° ou encore le Grand Louvre et l’ "Aile de Flore" ainsi que la " Porte des Lions ". Mes compétences en informatique et mon expérience sur de grands projets m'ont ouvert les portes d'ADP au printemps 2000 où j’ai été engagé comme CAD Manager pour le projet du Satellite 3 (180.000 m²). Ensuite, j'ai poursuivi ce travail sur tous les projets d'importance d’ADP comme le Satellite 4 et la liaison AC. Depuis 2008, et notamment sur le projet de liaison AC, je mène des travaux relatifs aux problématiques de BIM à INA (Direction de l'Ingénierie et Architecture, aujourd'hui Direction de l'Ingénierie et Aménagement – DIA).

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Comment le BIM a-t-il fait son incursion chez ADP ? Et cela a-t-il été long et difficile ?

Entre 2007 et 2008, mon ancien Manager M. André Komorn s'intéressait beaucoup au BIM, et plus particulièrement à Revit. Il a engagé d’intenses efforts de sensibilisation auprès de la Direction de l'Ingénierie et Architecture et des discussions, réussissant à convaincre les responsables de lancer des tests Revit sur le projet de Liaison AC. Or, les préparations pour ce basculement technologique se sont avérées insuffisantes : matériel informatique non adapté, absence de méthodologies propres au travail collaboratif, inexpérience de nos consultants Revit sur les projets de cette taille (17 000 m²). Nous étions 6 à 7 architectes fraichement formés sur Revit avec des machines dotées de 1 à 2 Go de mémoire RAM, sans aucune méthode de travail sur une maquette numérique partagée. C'était assez frustrant. La phase esquisse a été achevée avec Revit, ensuite les études ont continués en CAO-DAO classique. La Direction a par la suite décidé de mettre en stand-by les essais de nouvelles technologies et pendant 4 longues années l'utilisation de Revit fut très sporadique et limitée à la production de présentations 3D simples.

Depuis 2013, nous sommes engagés sur la voie du BIM, mais cette transformation majeure a pris encore quelques années avant son aboutissement.

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© ADP, Aéroports de Paris – Terminal 2 Roissy

Comment le BIM a-t-il fait évoluer ton  rôle ?

Comme je le disais, j'ai commencé ma carrière à ADP en tant que CAD Manager. Au bout de 6 à 7 ans, j'ai commencé à m'interroger sur l'efficacité de nos outils et de nos méthodes. Est-il possible de continuer à faire de la conception de bâtiments de la même façon qu’il y a 15 ou 20 ans ? Faire des projets avec les mêmes outils et procédés, comme si le monde autour de nous n’avait pas changé ? Les réponses sont évidentes. Ainsi, depuis 2008, je n'ai cessé d’explorer le BIM sous toutes ses facettes : conception, modélisation, gestion, exploitation… Le potentiel et la complexité de ce processus rendent le rôle de spécialistes comme nous très important. Les réflexions sur l'implémentation et l’exploitation du BIM dans l'entreprise revêtent une importance stratégique, ainsi mon rôle évolue en permanence.

Quel a été le premier projet BIM sur lequel tu aies travaillé ? Je suppose que ce n’était pas encore du niveau 2 ?

Le projet de Liaison AC dont j'ai parlé auparavant était un projet important pour ADP. Le groupement et l'optimisation des postes de police aux airs et frontières (PAF) des terminaux A et C demandait une importante réorganisation des flux de passagers. De plus, plusieurs milliers de mètres carrés de commerces devaient être ajoutés, ainsi que les salons d'Air France et d’Air Emirates. Tout cela avec une façade entourée par des ceintures de brise-soleils ondulés à géométrie très complexe. Afin de réaliser ce projet avec Revit, nous avons engagé des architectes pour faire la modélisation des terminaux limitrophes A et C ainsi que le Module P. Cette modélisation a concerné surtout le clos-couvert. Les phases AP et PRO ont été réalisées en CAO 2D, mais en même temps j'ai continué à tenir à jour la maquette du bâtiment de liaison. Certains éléments de cette maquette sont bien en niveau 3, d'ailleurs l'étude de la géométrie des brise-soleils à été intégralement faite avec Revit. Tous les panneaux de la façade ont la même longueur, mais 12 radius d'ondulation différentes et chaque panneau est tangent par rapport au précédent. Si vous changez l'ondulation d'un panneau afin de garder ce principe, tous les panneaux qui suivent doivent changer. C'était assez sportif, mais Revit nous a permis un travail de précision avec un contrôle visuel d'aspects 3D en temps réel.

CDG Liaison AC axo ruban ouest

© ADP, Aéroports de Paris – Liaison Terminal A&C Roissy

Quelles ont été les grandes étapes et les grandes difficultés de cette transition ?  Combien de temps cela a-t-il pris ?

Je ne suis pas sûr que je puisse apporter les analyses générales de cette transition. Chaque BET et agence d'architecture est un cas spécifique avec des approches et des expériences parfois très différentes. Je sais par exemple que Jacques Lévy-Bencheton (BIM Manager de Brunet Saunier Architecture NDLR) a porté cette évolution très habilement chez Brunet Saunier Architecture, mais pour d’autres agences, cela fut un peu plus aléatoire.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Toutefois, il est incontestable que le premier pas consiste à sensibiliser les preneurs de décisions sur la nature et les perspectives du BIM. C'est en même temps la grande difficulté. Pendant des années, les architectes et les ingénieurs confondaient le BIM avec la 3D, il était difficile de leur faire comprendre que cela n'est pas l'aspect le plus important du BIM. Même aujourd'hui, il reste parfois difficile d’expliquer à certaines personnes que les informations autres que la géométrie présentent autant d'importance que la 3D. L'adhésion des "decision makers" est donc fondamentale, elle doit reposer sur une vision claire des coûts, de la durée de la transition du passage de la CAO au BIM et des bénéfices possibles qu’on pourrait en tirer. Lorsqu’une direction n'est pas persuadée de la pertinence de la démarche BIM, les premières difficultés, pourtant inévitables, risquent de stopper net cette transition.

Si cette première étape est franchie avec succès, arrive alors une période d'adaptation certaine. Un nouvel outil demande des formations, de nouvelles méthodes et même une nouvelle organisation. Ce sont ces changements importants qui poussent tous les acteurs de projet à se remettre en question. Ainsi, la résistance au changement accentue la complexité du passage à ce processus. En fonction de la taille de l’agence, cette évolution peut durer entre 2 et 5 ans.

Etiez-vous nombreux à travailler en BIM au début ?

La direction Ingénierie et Architecture d’ADP comptait à l'époque environ 450 employés. Nous avons commencé avec 3 ou 4 architectes, mais comme la première expérience n'était pas concluante, je suis resté seul.

CDG Liaison AC détail

© ADP, Aéroports de Paris

Avez-vous eu besoin d’aide et de support extérieur pour mettre en place votre stratégie BIM ?

Absolument ! Je ne pense pas que cela soit possible de faire autrement d’ailleurs. Il y eut une première contribution d'Oger International qui avait une excellente équipe de jeunes ingénieurs passionnés par le BIM. Je pense notamment à Louis-Marie Borione aujourd'hui BIM Manager chez Systra et Simon Moreau BIM Manager chez Ingerop. Ils nous ont aidés à monter la première méthodologie. Ensuite, SETEC TPI a fait une étude d'opportunité de mise en place du BIM à INA, ce qui fut l’impulsion décisive pour démarrer le processus. Sur le projet d'Orly Jonction, notre filiale ADPi a eu la mission de BIM Management, ce qui nous a permis de former un large nombre d'architectes et de projeteurs et de consolider ainsi les méthodes et de réaliser avec succès le premier grand projet en BIM.

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© ADP, Aéroports de Paris

Quelles sont les difficultés du rôle de BIM Manager ?

C'est un nouveau métier, les attentes sont très différentes et on y trouve tout et n'importe quoi suivant la demande. Le domaine d'intervention du BIM Manager est très large, de ce fait dans les années à venir, nous verrons une structuration des métiers comme c'est le cas dans les pays anglo-saxons qui gardent 5 à 6 ans d'avantage sur nous dans ce domaine. Le BIM Manager doit apporter des réponses claires et justes aux "decision-makers" sur les méthodes d'implantation du BIM, sur ses tenants et ses aboutissants. Il doit assister le maitre d'œuvre sur les questions d'organisation et de méthodes, élaborer les retro-plannings et définir les responsabilités de chacun. Enfin, il doit assister les utilisateurs, contrôler la conformité et la qualité de leur travail, régler de nombreuses difficultés au quotidien. Mais surtout, il doit assurer une veille technologique, une actualisation et une optimisation de ses méthodes en permanence. Il est évident que toutes ces missions ne peuvent être accomplies avec sérieux par un profil de BIM Manager "de base". En fonction des compétences et de l'expérience il peut y avoir des BIM Implementation Managers, des BIM Senior Managers, BIM Project Managers , des BIM Content Managers, BIM Coordonnateurs métiers etc. A la lumière de cette structuration, le BIM Manager se trouve aujourd'hui souvent au four et au moulin, ce qui n'est pas tenable dans les grandes structures comme la notre.

Chez ADP, faites-vous la distinction entre BIM pour le bâtiment et BIM pour les infrastructures ?

L'utilisation du BIM pour les infrastructures est encore en réflexion chez ADP. Les outils dans ce domaine sont encore récents, d'ailleurs à ma connaissance, ils ne sont pas nombreux. Comme pour le reste, il faudrait faire des tests et analyser les résultats. Evidement, nous sommes très attentifs à la conception, et la gestion et la maintenance d'infrastructure revêt une importance capitale pour ADP.

Peux-tu nous parler du projet « Jonction » d’Orly qui est magnifique ? Quelles en sont les données techniques ? Comment as-tu mis cela en place ?

Le projet « Orly Jonction » s'inscrit dans le projet global de modernisation de la plateforme Paris-Orly ciblant l'amélioration de la satisfaction client. Le bâtiment se situe entre les aérogares existantes Orly-Sud et Orly-Ouest. Le projet porte d'une part sur la réalisation du bâtiment de Jonction, avec une surface neuve de 76 000m². D'autre part, ce bâtiment sera connecté aux aérogares existantes Orly Ouest et Orly Sud, ce qui implique des travaux dans des espaces existants. L'ensemble représente un investissement de 300 M€. Le bâtiment de liaison a toutes les fonctionnalités d'un terminal placé dans un site très contraint.

Quelques chiffres :

  • 76 000 m2 de surfaces neuves
  • 3 000 m2 de surfaces réhabilitées (Hall 4 Orly Ouest et Hall B Orly Sud)
  • 250m de longueur – 120 m de profondeur – 18,50m de hauteur
  • 2 niveaux principaux (Départs et Arrivées) – 1 niveau partiel (débarquement –IFU et correspondance)
  • 1 sous-sol partiel connecté à la route de service Orly Ouest
  • 6 000m2 de Hall départ connecté à Orly Ouest
  • 38 banques d’enregistrement classiques et 16 DBA
  • 14 nouveaux PIF et 15 Aubettes DPAF (Départ et Arrivées)
  • 5 000 m2 de commerces avec place centrale de 1000 m2 et zones de restauration de 1 000 m2

Ce projet est réalisé en BIM depuis la phase APS. Dans le cadre de la démarche BIM et en anticipation du projet Orly Jonction, les terminaux existants ont été modélisés. Le projet regroupe trente-deux maquettes numériques.

Elles ont servi pour la réalisation des études suivantes :

  • architecture, structure, fluides, électricité BT, tri-bagages, environnement, signalétique et présynthèse

L'architecture et la conception ont été réalisées par INA, le BIM Management a été porté par ADPi et INA. Nous avions plaisir à travailler avec nos collègues d'ADPi, qui intègre des BIM managers et coordonnateurs de grande qualité : Fang Chao Gong, Christian Montagnac, Johnny Dabysing et les autres, mais surtout nous avions la grande chance et le privilège d'être conseillés et guidés par Julien Franco, un expert BIM hors pair.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Comme vous pouvez le constater, j'ai été tellement bien entouré que mes mérites restent modestes, d'autant plus que nous étions supportés et portés par l'enthousiasme de notre maitre d'oeuvre M. Philippe Gourcerol, et des principaux architectes Messieurs Alain Davy, Gilles Goix et Mme Julie Greguor, chef de pôle BIM chez ADPI.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Combien de temps a-t-il fallu pour le faire naitre et aboutir ? Combien de personnes ont travaillé dessus ?

La phase APS a commencé en juillet 2013, et le DCE en phase APD a été rendu au maitre d'ouvrage fin octobre 2014. Le dossier très détaillé pour un APD (certains détails à l'échelle 1/10) comptait 750 pièces graphiques, toutes générées à partir des modèles BIM, sans aucune post-production sous AutoCAD.

Les architectes ont été organisés en deux équipes, clos-couvert et second-œuvre, (nous avons découpé le modèle architecture pratiquement de la même manière), leur nombre a varié de 10 au début et 15 à la fin du projet. Dans les études techniques, nos équipes de projeteurs ont été renforcés par un recrutement extérieur, donc 2 projeteurs par lot. Au total, une petite quarantaine d'utilisateurs ont partagés une trentaine de maquettes.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Quels sont vos objectifs BIM chez ADP ? Aller jusqu’à une gestion de patrimoine ?

Le groupe ADP a l'ambition de devenir le leader mondial dans le domaine de conception, réalisation et exploitation d'aéroports. Chacun de ces domaines est en mutation profonde liée à l’avènement du BIM. L'ingénierie centrale d'ADP, la Direction d'ingénierie et de l’Aménagement est aujourd'hui résolument tournée vers ce processus dans les phases de conception, de quelques dizaines de milliers de mètres carrés modélisés en 2008 nous sommes passés aujourd'hui à plus de 1.200 000 m². Une grande partie de nos terminaux est modélisée, et ADP est en France le propriétaire et gestionnaire qui possède probablement la surface le plus importante de son patrimoine transformé en maquette numérique. Ces modèles ne sont pas, évidemment, tous au même niveau, ils ne sont pas structurés de la même façon, l'immense travail de standardisation de ce patrimoine est devant nous, mais la base est déjà excellente. En même temps, nous sommes les porteurs de réflexion sur le BIM Maintenance chez ADP. Actuellement, nous sommes en consultation avec nos unités opérationnelles sur le périmètre et les objectifs du BIM sur la partie de gestion et maintenance.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Comment collaborez-vous en interne entre tous les départements ? Etes-vous en niveau 3 ?

Nous avons la chance d'avoir un BET intégré. Tous les corps d'états y sont représentés, de l’architecture jusqu'aux courants faibles et à la signalétique en passant par le thermique, les fluides, l’infrastructure ou l’électromécanique. Cela facilite énormément la mise en place d’une méthodologie BIM commune, basée sur les expériences de travail communes depuis la décennie passée. Chaque métier modélise sa propre maquette numérique et le niveau de développement évolue en fonction d'objectifs définis dans chaque phase de projet. J'ai un peu du mal à accepter les LOD (ou ND), c'est une nomenclature trop vague qui ne dit rien de concret sur les informations à inclure dans une maquette. Je peux imaginer un litige sur le niveau d'un modèle, et comment prouver incontestablement qu’il a un ND3 et non pas un ND2 ? D'ailleurs j'ai lu récemment un blog où l'auteur expliquait bien que la maquette numérique de LOD 300 ou LOD 400 n'existait pas, beaucoup d'éléments peuvent être développés jusqu'à certain niveau mais ce niveau n'est jamais homogène pour des milliers d'éléments qui forment la maquette. Je pense qu'il est nécessaire d'élaborer la liste d'informations à fournir pour chaque catégorie d'éléments à chaque phase de projet, peu importe le nom du niveau.

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© ADP, Aéroports de Paris – Jonction Orly

Que penses-tu du travail du PTNB et ses objectifs de numérisation de la filière ? Cela mènera-t-il selon toi à une BIMisation des projets ?

C'est une excellente initiative, et j'en suis ravi évidement. Le BIM peut apporter les bénéfices à tous les acteurs dans le domaine du bâtiment, mais il exige des investissements importants et des évolutions notables des méthodes et organisations, ce qui rend les protagonistes circonspects. Les exemples des Etats-Unis, de Singapour, de Hong-Kong et du Royaume-Uni montrent que l'impulsion d'un état reste décisive pour développement et l’implantation du BIM au niveau national. Ensuite, il est important de sensibiliser les maitres d'ouvrage du secteur privé, nous avons vue que les universités et les hôpitaux aux Etats-Unis étaient les premiers à comprendre l'importance de ce processus pour la partie gestion de leur patrimoine. Le PTNB incite tous les acteurs à réfléchir sur leur stratégie de développent et c’est très bien.

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Avez-vous un protocole BIM sur lequel repose votre stratégie ?

Nous avons différents documents de méthode dont le protocole BIM qui nous sert à établir les objectifs et méthodes d'un projet. En ce qui concerne la stratégie c'est la Feuille de route du BIM qui est le document de référence. La Direction de DIA est justement en train d'en établir une pour la période 2016 – 2020.

Quelle solution logicielle a selon toi fait éclore le BIM en France et dans le Monde ?

Nous sommes depuis longues années partenaires d'Autodesk, c’est donc la solution logicielle qui s'impose pour nous en toute logique, d'autant plus que le benchmarking que nous avions mené en 2007 a montré une supériorité évidente de Revit par rapport ses concurrents. Ceci dit, je pense que 4 à 5 éditeurs leaders dans l'univers du BIM ont chacun leurs atouts, et ils montrent une vigueur remarquable et ils continueront de nous surprendre avec leurs réalisations extraordinaires.

Passez-vous par les échanges IFC ? Qu’en penses-tu et à quels besoins cela répond-il selon toi ?

Je n'ai pas eu beaucoup d'expérience avec le format IFC, donc je ne suis pas forcément bien placé pour juger de ses qualités. Ces quelques échanges que nous avons eus lors d'études d'Orly Jonction n'étaient pas tout à fait satisfaisants. Certains éléments de la maquette avaient disparu, et les autres étaient mal formés. Néanmoins je pense que ce format reste indispensable sur les grands projets, non seulement comme support d'échange, mais encore plus comme un des formats de DOE destiné à être réutilisé par les logiciels de gestion de patrimoine.

Quelles sont les qualités selon toi qu’un bon BIM Manager doit avoir ?

Toutes. 🙂

Le BIM Manager n'a pas de responsabilités comparables à celles d’un maitre d'œuvre, ou à celles d’un chargé d'affaire. Son rôle est surtout sur la coordination, la facilitation et l'assistance. Certes, il doit exercer une certaine autorité et dans l'intérêt du projetd’ imposer la méthode parfois contraignante, mais il ne faut jamais oublier qu'il est là surtout pour faciliter la création et l'échange. Il doit être la locomotive du changement, et donc avoir de fortes convictions et compétences, mais en même temps avoir de l'attention pour les "voyageurs". Souvent la pression pour arriver à l'heure repose sur lui seul, mais cela fait partie de son rôle et son métier et l’on s y habitue.

Echanges-tu beaucoup avec les autres BIM Managers d’entreprise afin de vous enrichir mutuellement ?

Il y a 6 ou 7 ans, j'avais l'impression de connaitre la plupart des BIM Managers de Paris. C'était un petit monde : Jacques Levy-Bencheton de Brunet Saunier Architecture, Franck Bricaud, Jean-Noël Burnod d'Ateliers 2/3/4, Morten Buskpetersen de RPBW, Alice Lepy de Valode et Pistre, ensuite Daniel Hurtubise qui a travaillé pour ADPi, aujourd'hui chez RPBW, puis Anis Naroura avec qui j'ai eu le plaisir de travailler et qui a fait des choses remarquables chez Setec TPI… Aujourd'hui cela explose, et il y a beaucoup de gens qui sont entrés dans le monde merveilleux du BIM, mais je n'ai pas eu l'occasions de tous les rencontrer. Dans un BET avec plus de 400 employés, il y a beaucoup de travail pour un BIM Manager, donc je n'arrive plus à suivre tout ce qui se passe à l’extérieur.

Penses-tu qu’il soit important de protéger la propriété intellectuelle et penses-tu que le BIM soit un frein à cela ?

Entre plusieurs dizaines de questions juridiques soulevées par le BIM, c'est certainement l'une des plus compliquées. La maquette est le produit de la création, et elle doit être forcement protégée comme c'est le cas pour chaque projet aujourd'hui. Or les éléments de cette maquette sont les éléments qui en règle générale n'ont pas de copyright, des éléments que nous ne pouvons protéger efficacement. Vous pouvez développer des objets à forte valeur ajoutée, hautement paramétrables, mais une fois dans la maquette vous ne contrôlez plus leur sort. Je ne vois pas l'issue de cette controverse.

Sur quel projet travailles-tu actuellement après le beau succès de Jonction ?

Nous sommes bien partis sur le BIM, et actuellement nous avons 4 projets emblématiques avec pour ambition de développer les maquettes numériques jusqu’aux phases DCE. Il s'agit du projet d'Orly Sud refonte du process départ International", "Gare Orly de ligne 14 du SGP", "Jonction des satellites Terminal 1" à CDG1 et "Liaison des terminaux B et D" à CDG2. Ces 4 projets font plus de 130.000 m², c'est un beau défi pour nous et pour ADPI qui nous accompagne sur ces projets.

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© ADP, Aéroports de Paris – Liaison Terminal A&C Roissy

Connais-tu ABCD Blog, qu’en penses-tu et que souhaiterais-tu y voir de plus ?

Oui, évidemment, je pense que tous les utilisateurs de Revit le connaissent. Mais pour être honnête, je ne suis pas le visiteur le plus régulier. Cela risque de changer, vu que mon nom y paraîtra ;-)  Plus sérieusement, je pense que c'est un bon site, on y trouve beaucoup de conseils et de solutions venant de vrais experts. Continuez bien, c'est ce que je vous souhaite sincèrement.

Nermin, nous te remercions pour cet exposé très instructif de la mise en place du BIM chez ADP. Nous te souhaitons de continuer à travailler sur de nombreux beaux projets BIM d’aéroports.

A bientôt.

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